Arrivée des Khojas Shia Ithna Ashery à l’île de la Réunion

Avant de continuer mon exposé sur ce thème, je tiens à remercier par la pensée et exprimer ma gratitude à mon défunt cher ami, Marhoum Mohammadaly Alibay Ismaël, le 1er Secrétaire Général de l’Association, qui m’apporta son aide, depuis son lit de malade en France, à préparer ce récit qui constitue l’humble résultat de mes recherches, ce dernier n’aurait jamais vu le jour sans son apport si précieux. Qu’Allah lui accorde Sa Miséricorde et toutes les récompenses spirituelles qu’il mérite !

Il appert, d’après les ressources, que M. Haidarali Mohammadali Cassam Chenaï semble être le 1er Khoja Shia Ithna Asheri à venir s’implanter à l’île de la Réunion en l’an 1958.

Les archives de nos frères Sunnites témoignent que, parmi les signataires de la lettre adressée au Gouverneur de l’Ile de la Réunion pour construire une Mosquée à Saint-Denis, en l’an 1897, figuraient des noms Chiites qui, vraisemblablement, ne peuvent être que des Bohras. La présence des Bohras est également mentionnée dans le compte-rendu de notre rapport susmentionné.

Notre 1er immigré fut suivi par d’autres Khojas, en provenance de Madagascar, seulement après les évènements politiques de 1972 qui secouèrent le pays.

Quelques familles Bohras fraîchement arrivées se joignirent aux Khojas pour célébrer des cérémonies religieuses à domicile.

Mais lors de Mouharram 1394, en Janvier 1974 précisément, les Bohras se séparèrent des Khojas qui constituaient une Communauté d’environ 40 membres, pour organiser leurs propres cérémonies, indépendamment des nôtres. Les Khojas se réunissaient d’abord rue de Nice, puis rue Jules Auber, dans une salle offerte par les Etablissements Cassam Chenaï, pour commémorer les cérémonies funèbres comme, aussi, celles du Jeudi soir.

‘’Association Shia Ithna Ashery Jamate de la Réunion’’, sous la présidence de M. Abdallah Manjée Tahora, en même temps Prédicateur, fut créée le 08 Octobre 1977, dont les Statuts furent déposés, 5 jours après, à la Préfecture.

Ils prirent un local en location, pour les Prières, au lotissement Tingapermal à Sainte Clotilde, dès Décembre 1977 et le siège de l’Association y fut transféré de la rue Jules Auber, le 02 Janvier 1978.

Le 20 Avril 1978, l’Association se transféra à 68, cité des Deux Canons, à Sainte Clotilde, dû à l’exiguïté des lieux et au nombre croissant des fidèles qui se multiplia par dix pour atteindre 400 membres.

La cité des Deux Canons étant un lotissement d’habitation, devant le problème de voisinage et de l’étroitesse de l’espace, le défunt Marhoum Seraly Akbaraly, plus connu sous le nom de Dilou Serami, offrit à la Communauté ses dépôts du Chaudron ou de la Jamaïque, pour les 12 jours de Mouharram, s’interdisant, ainsi, toute activité dans ces endroits durant ce laps de temps.

Les années 1981/1983 virent l’achat de ce terrain où s’érige actuellement notre Imamwara (les Majelis comme aussi les Salats s’y effectuaient, en l’absence du Masjid, à proprement parler) inauguré le 31 Août 1986. On lui donna le nom de ‘’Maqamé Ma’assoumines (as) ou la Maison des 14 Ma’assoumines, les Infaillibles,’’ le Masjid (la Mosquée, lieu de Namaz) n’ayant vu la lumière que vers fin 2003, en lieu et place où s’élevait auparavant un Moussafirkhana (une auberge).

Notre Communauté était dispersée aux quatre points cardinaux de l’île, mais les fidèles, animés par le courage et le dévouement, ne manquaient pas de venir assister aux Majelis à Saint-Denis, malgré l’éloignement et l’état des routes.

A mesure que le nombre augmentait et, pour dissiper leurs difficultés, des Imamwaras furent bâtis ou des locaux loués pour organiser des Prières et des Majelis, à Saint Pierre, à Saint Paul et à Saint André.

Par la suite, le Masjid de Saint Pierre, au sens propre, qui me paraît être le 1er de notre Communauté sur cette île, fut bâti, avec son Imamwara, en l’an 2000, suivi presqu’au même moment de Saint-Denis et de l’Ibadatkhana de Saint Paul, inauguré le 23 Novembre 2013.

  1. Amiraly Goulamhoussen est le 1er Khoja à être enterré dans le carré Shia Ithna Ashery, au Jardin des allongés de la Bretagne, le 03 Juillet 1980.

Mais bien avant lui, quatre ans auparavant, au carré familial du cimetière du Chaudron à Sainte Clotilde, le 27 Octobre 1976, fut inhumée Batsoulibhay Fatma, l’épouse de M. Haidarali Mohammadali Cassam Chenaï, cité plus haut.

Plusieurs tombes Sunnites et Bohra se dressent auprès de celles de la famille Cassam Chenaï, elles témoignent que la multiculture commence par le cimetière.

A vrai dire, c’est Rosnibhay Hassam Jetha, l’épouse de M. Piaraly Kassamaly Hirjée, qui symbolise le décès de la 1ère personne Khoja dans ce département français de l’Océan Indien qu’est l’île Bourbon.

Ses funérailles, dans le cimetière communal de Barachois qui longe la mer, furent célébrées le 23 Janvier 1976 (25 Mahé Mouharram), 9 mois avant celles que je viens d’évoquer.

C’est l’unique tombe qui se dresse au milieu d’autres, dans cet endroit, le cimetière Khoja ou un carré Musulman de ce nom n’ayant pas encore vu le jour.

Vous aviez pu constater que notre Communauté était récente et son nombre succinct, elle était encore sans possession d’un lieu pour ensevelir ses morts.

Pour votre information, un Shia Ithna Ashery, mais d’origine Libanaise, du nom de HASSAN ASHAFF, qui fréquentait notre Mosquée de la Terre Sainte à Saint Pierre, fut enterré dans le carré Musulman du Terrain Fleury à Tampon, dans son lieu de résidence, le 03 Sha’ban 1436/1437 qui correspond à l’an 2014.

Comme nous sommes originaires de Madagascar, bien que nos racines soient de l’Inde profonde, il sied bien qu’un regard soit jeté sur l’arrivée et l’implantation de nos ancêtres dans la Grande Ile.

Mais, pour le faire, je ne peux pas poursuivre mon chemin sans adresser mes remerciements les plus sincères à Alhaj Zhoulfikar Vasram de Majunga, les 2 tomes de sa publication ne méritent que de l’estime.

Ali bhây Thâwar, originaire de Ranâwâw au Kathiawar en Inde, né à Zanzibar, est le 1er Khoja à débarquer, en 1852, sur la petite île de Nosy bé, 1er lieu d’implantation de nos ancêtres et la porte de l’île de Madagascar.

L’histoire relate l’existence des tombes des Indiens et, probablement, des Khojas, à Majunga, disparues de nos jours, où l’on pouvait lire sur l’une des plus anciennes la date de 1769.

Aujourd’hui, on peut encore apercevoir les tombes de deux Khojas, décédés entre 1880 et 1890, à Majunga.

La 1ère Mosquée fut construite à Marovoay en 1895, suivie de celle de Maevatanana en 1899 et de celle de Majunga en 1905.

Marovoay ne comptait que 4000 habitants en 1891, mais les Khojas y avaient déjà élu leur domicile entre 1860 et 1870, comme aussi mes grands-parents.

En longeant les côtes Ouest de Madagascar, les Khojas descendirent vers Antsohihy, Analalava, Soalala, Maintirano, Serinam et Belo.

Un îlot de sable, appelé Serinam, situé à l’embouchure du fleuve Tsiribihina et habité par 400 à 500 habitants, vit arriver, en 1869, des Indiens, sans doute des Khojas, qui, par la suite, s’établirent à Belo sur Tsiribihina.

Plus au Sud, Ambohibé, sur l’embouchure du fleuve Mangoky, Antongo, plus en amont et, Manja, encore plus dans l’arrière-pays, accueillirent des Khojas avant 1900, qui ne se déplacèrent à Morombe que vers 1922.

De Diego-Suarez, tout au nord, à la pointe de l’île, jusqu’à Fort-Dauphin, nichée dans le fond Sud-Sud-Est, au bout du monde, en passant par Morondava, Tulear, Sambava, Tananarive, Fianarantsoa, Antsirabe, Tamatave, Ambovombé dans le Sud profond et les villes côtières de Farafangana et Manakara,   nous trouverons, jusqu’aux villages les plus reculés, en grand ou petit nombre, des membres de notre Communauté qui ne dépasse pas les cinq mille, chacun ayant son activité et observant les règles de l’Islam Shia Ithna Ashery. Chaque ville ayant son Imamwara ou Masjid, la vie sociale allant de pair avec la vie religieuse.

Cet exposé serait incomplet si je ne parlais pas de notre identité.

Le terme KHOJA est une déformation phonétique du mot KHWAJAH, d’origine persane, signifiant une personne noble ou respectable. Plusieurs mythes tournent autour de ce vocable quant à ses origines. L’un, parmi ceux-ci, nous ramène aux 13è ou 14è siècles, durant lesquels, des riches propriétaires Hindous, appelés Thakkours ou Thakkars, issus de la caste des Louhânâs, des nobles, ayant quitté la religion de leurs ancêtres pour devenir Musulmans. Une longue histoire se cache derrière cette appellation.

Ces nouveaux convertis ne pouvaient plus être qualifiés de Thakkours par leur communauté et adoptèrent le titre de Khwajah qui, par la suite, fut transformé en Khoja. Ils sont, la plupart, originaires de Kutch, du Kathiawar, du Sind et du Gujarat en Inde.

Ce mot se retrouve également en arabe qui a pour signification ‘’titre donné aux étrangers et aux commerçants,’’ tel que Monsieur.

D’autres pensent que ce terme KHOJA dérive du mot KHÔJ ou le verbe KHÔJWOUN, en goujaraty, qui veut dire chercher, fouiller, explorer, scruter. Comme ces Hindous étaient à la recherche de la vérité, d’explorer la Voie Droite, ils furent nommés Khojas.

Ils se convertirent, d’abord, à l’Ismaélisme et, ensuite, leurs efforts les conduisirent au bon port où s’abritait le navire du Salut : les Ahloul Bayt (as). Ismaéliens au départ de leur pays, certains ne devinrent de fervents fidèles Shia Ithna Ashery qu’au moment de fouler le sol Malgache. C’est pourquoi, même de nos jours, on aperçoit des liens de famille et de bonne relation entre les membres de ces deux Communautés.

Quelque soit ses origines, Khoja est une appartenance communautaire, tandis que SHIA ITHNA ASHERY est religieuse. Ces mots nous mènent vers l’arabe dont le premier exprime partisan, fidèle, adepte, ou disciple et le second indique le nombre douze. Nous sommes disciples de nos 12 Imams (as).

Les Bohra comme les Ismaéliens sont aussi des Shias dans ce sens qu’ils sont partisans de l’Imam Ali (as), mais ne suivent pas Hazrat Moussa Al Kadhim (as) en tant que 7è Imam (as), comme avait annoncé le Saint Prophète (saww).

Ils se dissocient de nous après le 6è Imam (as) pour suivre Ismaïl, le fils aîné du 6è Imam (as), décédé du vivant de son père.

Une scission intervient au sein des Ismaéliens : les Bohras, dont l’appellation signifie faire du commerce, se firent appeler Dawoudi Bohras, d’après le nom de l’un de leurs Dai’is, le représentant de leur imam caché, considéré comme infaillible, les adeptes lui doivent entière soumission.

Après la mort de Moustansir, ceux qui crurent à Mousta’ali comme son successeur prirent le nom de Dawoudi Bohra et ceux qui, par contre, suivirent Nizar, devinrent Ismaïli Nizari, comme l’est leur guide spirituel Agha Khan.

Ces derniers sont connus Aghakhanistes, partisans de l’Agha Khan, l’imam vivant, Maolana Hazar Imam, Karim Aga Khan IV étant leur 49è Imam.

Un Khoja est né Khoja. Il peut, donc, être Aghakhaniste, Sunnite ou Chrétien comme il peut appartenir, également, à l’Ecole Ja’afarite Shia Ithna Ashery.

Le nombre des Khojas Shia Ithna Ashery dans le monde, tous les pays confondus, ne dépasse pas cent cinquante mille âmes.

La reconnaissance étant la mémoire du cœur, je ne peux pas mener ce texte à sa fin sans attirer votre aimable attention sur Maolana Qader Houssain Karbalaï qui se déplaça de l’Iraq, en 1856, pour enseigner les Khojas de l’Inde, convertis de l’Hindouisme à l’Ismaélisme, dans le premier temps, puis de l’Ismaélisme à Shia Ithna Ashery, dans le second temps, suivi par un grand érudit Khoja du nom de Haji Goulamaly Haji Ismaél, connu mondialement par Haji Naji, les armoires de nos Imamwara et Masjid regorgent de ses précieux livres qui brillent aussi sur le chevet de nos lits.

Ils rendirent un énorme service à notre Communauté d’une valeur inestimable.

 

Mulla Nissarhoussen RAJPAR

 

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Orateur

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Date

8 février 2021